La loi dite SPINETTA du 4 janvier 1978 a institué, pour protéger le maître d'ouvrage (c’est-à-dire la personne qui fait construire) le principe d'une responsabilité présumée des constructeurs en cas de sinistre.
La loi stipule que tout constructeur lié à un maître de l’ouvrage par un contrat d’entreprise (autrement dénommé de louage d'ouvrage) est responsable envers celui-ci ou envers l'acquéreur, des dommages et vices du sol, de nature décennale qui compromettent la solidité de l'ouvrage et / ou qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination.
L’atteinte à la solidité et l’impropriété à destination sont les deux critères qui permettent de qualifier le désordre de nature décennale.
L’impropriété à destination est une notion plus subjective dont les contours sont constamment précisés par la jurisprudence.
Le désordre doit rendre l’ouvrage, sans sa totalité (et non partiellement) inapte à la destination qui avait été prévue : une toiture fuyarde, des fondations qui s’affaissent, une installation électrique déficiente, un système de chauffage, dont une pompe à chaleur, qui ne fonctionne pas …
La présomption de responsabilité s'étend également aux désordres affectant les éléments d'équipement indissociables des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert, qui se révèlent dans les 10 ans à compter de la réception de l'ouvrage.
Il s'agit d'une présomption de responsabilité d'une durée de 10 ans à compter de la réception de l'ouvrage.
Le désordre en cause doit donc présenter les caractéristiques d’un désordre de nature décennale dans les 10 années à compter de la réception.
Si le désordre existe mais n’a pas la gravité requise dans le délai de dix années, il n’engagera pas la responsabilité décennale de l’entreprise, et par voie de conséquence, ne sera pas pris en charge par son assureur décennal.
En revanche, si le désordre existe et est qualifié de décennal, les travaux nécessaires pour remédier à la cause du sinistre, les frais annexes (déblaiement, pose selon les normes en vigueur …) et les préjudices immatériels directement consécutifs (frais de relogement, de déménagement si nécessaire, le préjudice de jouissance …) doivent être réparés.
Le préjudice réparable est ainsi plus large puisque dans le cadre des sinistres couverts par des assurances dites « classiques » de type responsabilité civile ou responsabilité civile professionnelle, l’assureur indemnise uniquement les conséquences pécuniaires du sinistre et non la réparation de la cause du sinistre.
Ces dispositions sont d'ordre public (elles ne peuvent être écartées par un contrat ou une convention).
Qui sont les débiteurs de la garantie décennale ?
La présomption de responsabilité décennale pèse sur le constructeur, c'est- à-dire celui qui est lié au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage et qui matériellement et / ou intellectuellement, participe à la conception, l'édification ou la modification d'un ouvrage.
Sont concernés l'architecte, le maître d’œuvre, le bureau d'études techniques, la société d'ingénierie, l’assistant à la maîtrise de l’ouvrage, l'entreprise de bâtiment ou de travaux publics, le contrôleur technique, et même le particulier qui construit pour son compte (souvent dénommé « castor »).
Elle concerne également les constructeurs non réalisateurs : constructeurs de maisons individuelles, promoteurs immobiliers, lotisseurs.
Les sous-traitants, parce qu'ils ne sont pas liés directement au maître d'ouvrage, sont exclus du champ d'application de la loi SPINETTA. Pour autant, ils demeurent responsables des obligations contractuelles pour lesquelles ils se sont engagés à l’égard de leur donneur d’ordre, du constructeur ou du prestataire qui leur a confié une tâche de sous- traitance.
Qu'est-ce que l'assurance décennale ?
L'assurance décennale couvre la responsabilité décennale et l'obligation que le concepteur ou constructeur a de réparer les dommages matériels affectant l'ouvrage qu'il a conçu / réalisé, lorsque ces derniers sont apparus dans les dix années suivant la réception de l'ouvrage pour autant que les travaux entrent dans le champ des activités déclarées par l’entreprise à l’assureur.
Ainsi le maçon n’est pas assuré pour des travaux de couverture, s’il n’a pas déclaré l’activité de couverture à son assureur.
L’assureur intervient pour réparer les dommages de nature décennale des ouvrages soumis à l’obligation d’assurance (voir infra).
L'assurance décennale couvre également les dommages qui affectent après la réception la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
La souscription d’une police d'assurance de responsabilité décennale est-elle obligatoire ?
La réponse est affirmative. Dès lors que le professionnel, quel que soit son métier, participe à la construction d'un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance décennale (majoritairement les ouvrages de bâtiment), il se doit d'être assuré qu'il s'agisse de travaux neufs ou de travaux sur ouvrages existants (dont des travaux d’extension d’un immeuble, des travaux de rénovation ...).
Attention des corps de métier de second œuvre tels les peintres ne sont pas soumis à l’obligation d’assurance à moins que la peinture de présente des caractéristiques telle qu’une fonction d’étanchéité …
Quels sont les risques et les sanctions en cas de défaut d'assurance ?
Si un entrepreneur effectue sans être assuré, des travaux qui sont soumis à l'obligation d'assurance de responsabilité décennale, il encoure des sanctions pénales.
Les peines maximales vont jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et une amende de 45 000 €, sans compter l'obligation de rembourser le coût des désordres.
Les ouvrages concernés par l'obligation d'assurance décennale
Il n'existe pas de définition juridique de la notion d’ouvrage soumis à obligation de responsabilité décennale. Le terme "ouvrage" recouvre en fait l'ensemble des travaux que le professionnel doit réaliser dans le cadre du chantier qu'il s'est vu confier pour autant que ces travaux soient d’une certaine importance.
Concrètement, la notion d’ouvrage recouvre la réalisation des travaux de construction avec une structure, un clos-couvert, de travaux ancrés au sol ou incorporés dans un ouvrage de nature immobilière, ou encore de travaux ayant donné lieu à l'incorporation de matériaux dans un ouvrage existant au point d'en devenir techniquement indivisibles (surélévation d'un étage, reconstruction d'un immeuble où seule la façade s'avère conservée...). À l'inverse, les existants non incorporés dans un ouvrage neuf et restant divisibles sont exclus du champ de la garantie décennale.
Une ordonnance du 8 juin 2005 a précisé que tous les ouvrages de construction sont concernés par l'obligation d'assurance, à l'exception d'une liste d'ouvrages qui sont énumérés à l'article L243-1-1 du Code des assurances.
Les ouvrages soumis à l'obligation d'assurance sont communément appelés ouvrages de bâtiment ; ceux non soumis à cette obligation d'assurance sont généralement des ouvrages de travaux publics.
Les ouvrages non soumis à l'obligation d'assurance
Attention, le champ de la garantie décennale qui incombe aux constructeurs, et celui de l’assurance décennale qui indemnise les désordres de nature décennale, ne sont pas identiques.
Parmi les ouvrages dont la réalisation n'est pas soumise à obligation d'assurance décennale, on distingue :
- Les ouvrages toujours exclus :
Les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, des ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, des ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.
- Les ouvrages exclus, sauf s'ils sont accessoires à un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance décennale :
. Les voiries, des ouvrages piétonniers, des parcs de stationnement, des réseaux divers, des canalisations, des lignes ou câbles et de leurs supports, des ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, des ouvrages de stockage et de traitement des solides en vrac, de fluides et liquides, des ouvrages de télécommunications, des ouvrages sportifs non couverts ainsi que de leurs éléments d'équipement.
. Les ouvrages existants avant l'ouverture du chantier exclus, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.
. Les équipements à usage exclusivement professionnel.
Pour ces ouvrages, l’assurance est facultative.
L’entreprise peut donc bénéficier d’une assurance décennale si elle l’a volontairement souscrite.
Quel est le coût d'une assurance décennale ?
Le coût d'une assurance décennale peut être très variable. Il est lié à de nombreux critères, dont l'effectif, le chiffre d'affaires de l'entreprise, la nature des chantiers traités ou les missions exercées, la formation et l'expérience du professionnel, les qualifications détenues, les sinistres éventuellement déclarés antérieurement ...
Le critère le plus important demeure cependant le métier (maçon, électricien, menuisier, étancheur, maître d'oeuvre...) qui conditionne largement la nature des risques et le type de sinistre auxquels le professionnel peut être confronté et donc le montant de sa prime annuelle.
Bien entendu, la qualité d'une assurance ne doit pas s'évaluer uniquement au regard du montant de la prime annuelle. Il est impératif de vérifier le type de garanties, l’étendue de ces dernières, les montants et limites des garanties, les exclusions, les niveaux de franchise...
La qualité d'une bonne assurance s'évalue aussi quant à la capacité de l'assureur à apporter un véritable service : écoute, compréhension et analyse de votre besoin, conseils sur les garanties les plus appropriées, gestion et prise en charge des sinistres.